De tous les grands peintres du romantisme français, Théodore Chassériau (1819-1856) est le seul à ne pas avoir fait l’objet d’une rétrospective récente (la dernière en date s’est tenue à l’Orangerie des Tuileries en 1933). En groupant près de deux cents tableaux, dessins et eaux-fortes autour des fragments nouvellement restaurés du décor de la Cour des Comptes, cette exposition se propose de suivre les détours d’une carrière qui fut aussi intense que brève, et de mettre en évidence l’étrangeté d’une œuvre que l’on réduit trop souvent à l’exaltation de la beauté féminine ou à sa composante orientaliste.
Elle voudrait aussi mettre fin à un malentendu tenace : Créole languide au « style inquiet » pour le dire comme les Goncourt, Chassériau se résumerait au double héritage d’Ingres, dont il fut très tôt l’élève, et de Delacroix, qu’il aurait « détroussé » à partir de 1845. Or, ne voir en lui que le docile réconciliateur de la ligne et de la couleur, de la belle forme et du drame, du calme idéal et du choc des passions, c’est faire fausse route. En rejetant sans tarder l’ingrisme de ses débuts, Chassériau n’a aucunement cherché à singer Delacroix au-delà des thèmes qu’ils partageaient. Si influences il y eut, elles s’ajoutèrent à bien d’autres, des primitifs italiens au réalisme espagnol remis en valeur par le Louvre de Louis-Philippe : l’art et l’univers si singuliers de Chassériau ne s’y laissent pas enfermer.
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